La semaine dernière, j’ai eu une deuxième rencontre avec mon superviseur pour discuter des détails de mon cours de Community Engagement et de mon objectif personnel pour le cours. J’ai dit que mon objectif était de compléter les projets que j’avais commencé.

Après avoir couru dans un sens et dans l’autre pendant des années, de New York jusqu’à Mexico, des arts aux sciences sociales, du militantisme à l’agriculture, j’ai pensé que pour un moment je pourrais m’établir à Montréal une année, et finir mon diplôme. Je prendrais le temps nécessaire pour le faire, me concentrerais, m'appliquerais, y travaillerais, atteindrais l’objectif, serais fière d’avoir accompli quelque chose.

Je n’étais pas préparée à la réponse de mon professeur: ‘Pourquoi te sens-tu obligée de compléter quoi que ce soit?’


L’échec. Le sentiment que je n’ai rien accompli au courant des dernières années, parce que j’ai toujours laissé derrière moi des projets à moitié terminés. La tristesse d’avoir peut-être pris les mauvaises décisions, de n’avoir pas fait face aux difficultés ou de ne pas avoir donné assez aux projets dans lesquels j’ai été impliquée. La peur que tout le temps investi ne fournissent pas les résultats escomptés.

J’ai pensé au Milieu et à l’énergie que j’ai mis dans ce projet. Je me suis sentie, comme bien d’autres, épuisée - coupable de sentir que je faisait si peu pour changer ce monde insensé. Pendant un temps, j’ai pensé que ce serait mieux de faire moins, pour rester plus longtemps sans s’épuiser, et être plus productif.

Mais le but est-il d’être productif?


Quand je pense à la coop Le Milieu, je me demande si l’on doit le comprendre comme une chose qui va être ou qui est.

Imaginer et créer le future est essentiel, mais incomplet si nous n’apprécions pas le processus de création. Si nous ne prenons pas conscience du processus vécu de création collective, nous ne faisons que nous conformer au système capitaliste, un système selon lequel la valeur existe dans le produit fini plutôt que dans le processus d’apprentissage.

En plus, ça nous fait oublier les moments de découvertes, d’amitié et de créativité parsemant le chemin. Et finalement, nous ressentons l’échec lorsque les résultats ne sont pas ceux attendus.


La semaine dernière, je suis allée aider une bénévole à fermer le café. Elle avait l’air stressée, parce que la soirée avait été animée. Elle avait eu plusieurs demandes dont elles n’avait su trouver les réponses, elle avait manqué de pain pour la soupe.

J’étais reconnaissante qu’elle soit restée aussi longtemps, jusqu’à la fin de l’atelier de soir. Mais je voulais aussi lui dire, et peut-être lira-t-elle ceci - ne t’en fais pas.

Ne t’en fais pas pour le pain, pour ne pas savoir les réponses aux questions des participant.es et ne t’en fais pas pour celui ou celle qui reviendra plus tard payer son café car il n’avait pas l’argent comptant.


Mon but n’est pas mes lecteur.trices et les bénévoles écoutent la chanson très connue de Bobby McFerrin, mais plutôt de leur laisser savoir que venir à la coop ne doit pas devenir une fardeau.

Nous sommes tous.tes en train de grandir et d’apprendre en tant qu’individus, et ultimement, l’important est le processus et non le résultat.

Donc, profitons du processus de création avec un plaisir renouvelé de savoir que oui, nous sommes bel et bien en train d’imaginer et de rêver le future.

Et à cela il est impossible d’échouer.


 

Blanche a découvert Le Milieu quand elle a déménagé à Montréal en 2013. Elle est une bénévole de façon discontinue depuis, parfois elle cuisine de la soupe, parfois elle écrit des emails, parfois elle montre aux bénévoles comment faire les cafés et parfois elle ne fait que passer pour voir les gens. Elle finit présentement son cours en anthropologie à Concordia, mais dans ses rêves, elle suis une mystérieuse artiste-charpentière construisant des maisons d’enfants dans les jardins communautaires…

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